Projet SPICARENA : A la découverte de la fascinante reproduction des picarels
Description du picarel Spicara smaris
Le picarel, Spicara smaris, appartenant à la famille des Sparidae, mesure en moyenne 20cm. On le retrouve généralement dans des profondeurs comprises entre 15 et 70m. Son identification se fait grâce à trois critères de distinction : une bouche assez pointue, un corps allongé ainsi qu’une tâche noire généralement rectangulaire sur son flanc. On distingue assez facilement les mâles qui sont plus dorés, comportant des lignes bleues plus ou moins continues, ainsi qu’un corps plus grand que les femelles. Spicara smaris est une espèce grégaire formant des bancs d’individus au-dessus de fonds sableux, d’herbier et parfois rocheux. Comme une grande partie des poissons, le picarel est hermaphrodite, et plus particulièrement protogyne, c’est-à-dire qu’il va naître femelle et devenir mâle en grandissant.
Le projet SPICARENA
En 2021, lors d’une mission dans le cadre du projet ANGE (ange de mer, Squatina squatina), financé par l’OFB avec le mécénat de la Fdj, des zones de frayères en formes de cirques, appelées arènes de reproduction de Spicara smaris et de deux autres espèces du genre Spicara, ont été découvertes dans les eaux du parc. C’est à partir de cette découverte que le parc naturel marin a initié le projet SPICARENA, portant sur l’étude d’une arène de reproduction de Spicara sp.
Ces arènes de reproduction ont été observées au sein de fonds meubles en limite inférieure de l’herbier de posidonie dans les eaux du parc. En effet, lors de la période de reproduction (mars à juin), de nombreux individus se rassemblent sur le sable en bordure d’herbiers. Les mâles en livrée nuptiale creusent, à l’aide de leur nageoire caudale, des nids en forme de cuvette. Les mâles attirent ensuite les femelles nageant au-dessus des nids et les incitent à venir pondre au sein de leur nid respectif. Enfin, les mâles vont surveiller les œufs jusqu’à leur éclosion, puisque la présence de plusieurs hectares de nids est source de prédation.
En effet, le projet SPICARENA a permis de montrer l’importance écologique de cette manifestation éphémère : presque 100 000 nids bio construits durant 26 jours avec une superficie totale de 6 hectares, une richesse spécifique importante, une zone d’alimentation pour de nombreux prédateurs. Ces résultats ont amené le parc à poursuivre l’étude de ces arènes de reproduction afin de les cartographier sur l’ensemble du territoire et de mieux comprendre les processus qui régissent cet écosystème temporaire.
Le suivi en 2022 et 2023 de l’arène de reproduction des picarels (Spicara sp.) dans le parc indique que cette dernière se forme tous les ans au même endroit à quelques mètres près. Elle commence en limite inférieure d’herbier de posidonie vers -37 m et s’étend sur le substrat meuble à sable grossier jusqu’à -50 m. Certains nids sont construits dans l’herbier, de ce fait, les picarels (Spicara sp.) pourraient avoir une influence sur la croissance de l’herbier.
Par ailleurs, ce sont les équipes d’Andromède Océanologie qui ont réalisé le protocole de cette étude, après l’avoir initié sur la plaine orientale de la Corse, dans laquelle ils ont pu constater les mêmes résultats que dans le parc. Cependant, à l’exception d’une richesse spécifique particulièrement importante des arènes de reproduction au sein du parc en comparaison des autres sites de suivi, cette différence pourrait être expliquée en raison de sa localisation à l’écotone en limite inférieure d’herbier de posidonie et fonds meubles.
La découverte de ces arènes de reproduction n’aurait pas été possible sans les équipes d’Andromède Océanologie et des chercheurs de l'Université de Montpellier en partenariat avec l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, Bastia Offshore Fishing et le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate.
Les résultats de cette mission ont d’ailleurs fait l’objet d’un article publié au sein de la revue scientifique américaine « Current Biology » fin septembre dernier.